« Le travail non rémunéré et la condition de la femme au Burkina Faso », c’est sous ce thème que l’Institut FREE Afrik a organisé un panel, ce jeudi 05 mars 2020 à son siège. Les enjeux de la valorisation du travail non rémunéré et les enjeux genre de ce travail ont été au cœur des présentations et des débats.

En marge de la commémoration de la journée internationale des droits de la Femme, l’Institut FREE Afrik a proposé un espace de réflexion sur le travail non rémunéré et la condition de la femme au Burkina Faso. Dr Barbara Ky, économiste, Directrice genre à l’UEMOA et Mme Mariamé OUATTARA, économiste, Experte en genre, ont animé ce panel sous la modération de Dr Ra-Sablga Ouedraogo, Directeur exécutif de l’Institut FREE Afrik.

Dr Ky a ouvert le bal des interventions en rappelant que le travail non rémunéré des femmes au sens large englobe leur production non-marchande autoconsommée au sein du ménage ou destinée à la communauté. Il s’agit de la production de services domestiques non comptabilisés dans le Système de comptabilité nationale (SNC) et des productions agricoles et informelles en tant qu’aide familiale non rémunérée, ces dernières étant comptabilisé dans le SNC. Elle a également expliqué que les politiques économiques sont bâties à partir d’agrégats, le PIB étant l’agrégat majeur. Ainsi, si les activités relevant du travail non rémunéré, qui peuvent être intégrées dans le PIB depuis 1993 ne le sont pas, le calcul du PIB n’est pas complet. Selon elle, le travail non rémunéré n’est pas seulement l’apanage des femmes mais la division sexuelle du travail qui prévaut dans nos sociétés fait que la plupart de ces activités sont menées par ces dernières. 

Dr Barbara Ky a aussi présenté une enquête statistique Budget-temps qui retrace l’utilisation du temps des individus sur 24 heures, enquête menée il y a 10 ans et tirée de son ouvrage « le travail non rémunéré : enjeux pour le développement ». Elle a introduit la présentation des résultats en rappelant que dans l’analyse des déterminants de la pauvreté, le temps est une ressource privilégiée. Dans cette enquête, il ressort que la majeure partie du travail des hommes est comptabilisé dans le PIB et les femmes non. À titre d’exemple, il y a que le nombre d’heure pour les activités économiques de marché est estimé 4h pour les hommes et 3 h pour les femmes alors que le nombre d’heures pour les activités domestiques est de 59 mn pour les hommes et 4h pour les femmes. Ce qui a fait dire à Dr Ky que le travail non rémunéré est l’une des causes fondamentales des inégalités. Elle a proposé la règle des trois R, pour le travail non rémunéré, il faut le Reconnaitre, le Réduire et le Redistribuer. « La reconnaissance commence par la quantification et la quantification donne de la visibilité. La visibilité à son tour entraine la reconnaissance qui veut dire que le travail non rémunéré mérite d’être au cœur des politiques publiques » a-t-elle indiqué.

Mme Mariamé Ouattara a pour sa part, montré que le travail non rémunéré est éminemment lié au genre. Pour elle, la problématique de la division du travail varie en fonction du clivage rural urbain mais aussi de l’influence des structures socioculturelles. Elle a également indiqué que le travail non rémunéré est source d’inégalités monétaire, sociale, politique, de capacités et de conditions de vie qui compliquent la condition de la femme. C’est en raison de ces inégalités que la communauté internationale a adopté l’approche genre. « On s’est rendu compte que lorsqu’on investit beaucoup sur les femmes en termes d’appui, d’accompagnement et de formation, elles n’arrivent pas à utiliser toutes ces ressources car elles doivent faire les activités non rémunérées » a-t-elle expliqué.

Mme Mariamé Ouattara a rappelé que la question du genre n’est pas une thématique importée de l’extérieur. La condition de la femme burkinabè et sa contribution effective au développement du pays ont été au cœur des préoccupations, des réflexions et des discours de Thomas Sankara qui peut être considéré comme un précurseur de l’approche genre. De ce fait, elle a invité à relire et s’approprier son discours.

« Elle sera associée à tous les combats que nous aurons à entreprendre contre les diverses entraves de la société néocoloniale et pour l’édification d’une société nouvelle. Elle sera associée à tous les niveaux de conception, de décision et d’exécution dans l’organisation de la vie de la nation tout entière ».

Le but de cette grandiose entreprise, c’est de construire une société libre et prospère où la femme sera l’égale de l’homme dans tous les domaines. Il ne peut y avoir de façon plus claire de concevoir et d’énoncer la question de la femme et la lutte émancipatrice qui nous attend.

« La vraie émancipation de la femme c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productrices, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui force la considération et le respect de l’homme », Thomas Sankara (discours d’orientation politique du 2 octobre 1983) cité par Mariamé Ouattara.

Les deux panélistes sont d’avis que l’approche genre n’est pas sexiste car il ne s’agit pas d’une approche contre les hommes. Pour elles, l’homme est le meilleur allié pour un changement de la condition de la femme.