Source: L’Observateur.
– Le dialogue Etat/secteur privé ? « Le gouvernement a donné dans un monologue en se parlant à lui-même »
– Les réformes ? « Précipitées, improvisées et de belles idées vendangées »
– L’armée ? Sa refondation « demeure une Arlésienne » et « la crise de commandement est alimentée par la corruption des élites militaires »
– Les RSS ? Ils « alimentent des forces centrifuges croisées »…
Bref, c’est un tableau on ne peut plus noir que peint le Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo pour qui « le Burkina s’installe dans un go-slow inquiétant ». Rien, ou presque, ne trouve grâce aux yeux du directeur exécutif de l’Institut FREE Afrik, si ce n’est « la belle résilience de l’économie burkinabè face à une série de chocs adverses ». Interview sans concession d’un brillant universitaire et chercheur que nous avons rencontré après la publication, par le think thank qu’il dirige, du quatrième rapport annuel de rétrospective et de prospective économiques.
Vous venez de publier votre quatrième rapport annuel de rétrospective et de prospective économiques. Quel bilan faites-vous de l’année 2016 dans la présente édition ?
Merci beaucoup de nous offrir l’occasion de parler de ce travail qui est devenu une tradition que nous comptons bien poursuivre. L’équipe de chercheurs de l’Institut FREE Afrik a été mobilisée cette année sur des problématiques inspirées de l’actualité et sur des défis pressants auxquels le pays fait face. Pour décliner les résultats sous forme de bilan de l’année 2016, plusieurs points peuvent être annoncés.
En premier lieu, nous constatons toujours la belle résilience de l’économie burkinabè face à une série de chocs adverses, d’épreuves donc, qui ont affecté la société et pesé sur la progression de l’activité durant les 6 dernières années. Ces chocs violents tant dans leur récurrence que dans leur ampleur incluent les émeutes militaires du premier semestre 2011, la longue année de controverses et de luttes politiques occasionnées par la tentative de révision de la Constitution et l’instauration d’un Sénat, ce que nous avons appelé l’agenda nauséabond de l’article 37, la formidable insurrection populaire d’octobre 2014 et les dégâts économiques occasionnés, la difficile et agitée transition politique de 2015, l’anachronique coup d’Etat de septembre 2015, l’ébullition du front social depuis la Transition et durant toute l’année 2016, dans le secteur privé puis dans les administrations publiques, la dégradation sans précédent du climat sécuritaire tant en rapport avec les violences communautaires que la montée des attaques terroristes, etc.
Comment s’est manifestée cette ‘’belle résilience’’ dont vous faites cas ?
Le pays n’a pas dérivé dans le chaos comme on aurait pu le craindre. Le génie collectif national a su opposer face à chacune de ces épreuves une organisation minimale et une inventivité qui nous ont évité le pire de la descente éternelle dans les enfers de l’instabilité, de la trappe du chaos durable, comme malheureusement ailleurs dans le monde. Quand l’Institut FREE Afrik indiquait, une semaine après l’insurrection populaire, qu’aucune menace ne pesait sur le paiement effectif des salaires des fonctionnaires, cela étonnait certaines institutions, y compris le FMI à Washington.
En dépit de ces évènements, la croissance du pays ne s’est pas arrêtée. L’économie a continué à avancer mais il faut, en deuxième lieu, tout de suite noter la décélération de la croissance. En d’autres termes, le rythme d’augmentation de la richesse nationale recule d’année en année entre 2010 et 2015. Nous sommes passés de leader de la croissance dans l’UEMOA entre 1996 à 2009 à 7e en 2014 et 2015 et à 6e en 2016. Le taux de croissance attendu à 5,2%, inférieur à la moyenne UEMOA en 2016 sera sans doute plus proche des 4% de 2015 une fois qu’on l’aura recalculé en tenant compte du dernier trimestre 2016 qui a été très peu productif.